L’ Accord bilatéral sur la transhumance transfrontalière entre la Région de Maradi et l’Etat de Katsina, une approche innovante de prévention et gestion des conflits

 » ….Même le Nigéria s’inspire de notre exemple, le Président BUHARI a réuni tous les Gouverneurs de la région du nord du pays pour les inciter à suivre l’exemple de l’Etat de Katsina.

Nous proposons à ceux qui veulent s’inspirer de notre modèle le processus d’élaboration des Accords, qu’ils passe par l’inclusion des acteurs, les groupes thématiques et autres  ». Hassane BAKA, Administrateur de l’ Association pour la Redynamisation de l’Elevage au Niger (AREN)

Le 25 juillet 2017 est intervenue à Maradi au Niger, la signature d’un Accord bilatéral pour l’organisation et la gestion de la transhumance transfrontalière, entre le Gouverneur de la Région de Maradi au Niger et le Gouverneur de l’Etat de Katsina au Nigéria, représentant tous deux leurs régions.

 Cet accord est articulé autour de cinq (5)  groupes thématiques: sécurité transfrontalière et vol de bétail, mobilité transfrontalière ,commerce transfrontalier , veille informative transfrontalière et activités culturelles transfrontalières.

La signature de cet accord a été l’aboutissement d’un long processus sur lequel revient Hassane BAKA, Administrateur de l’AREN, structure Membre du Réseau Billital Maroobè

Quel est l’historique de l’Accord Bilatéral ?

Le partenariat entre les organisations pastorales de Maradi et celles de Katsina est un partenariat de longue date. Il nous permettait de négocier à notre manière de zones de repli au Nigéria. Vous n’êtes pas sans savoir que chaque année, les éleveurs du Niger séjournent entre 4 mois et 8 mois au Nigéria. Ainsi, le défi d’organiser et d’accompagner les transhumants nigériens s’imposait. Il fallait les accompagner et les assister.

A partir de ce moment, nous avons dû nous rendre compte qu’il y a beaucoup de défis au Nigéria que nous ne pouvons pas régler nous-mêmes.  Nous avons donc convenu d’organiser  des missions conjointes avec nos autorités, en l’occurrence, le Conseil Régional de Maradi avec les représentants du Gouvernorat et nous sommes allés sur les sites de la transhumance (les zones d’accueil de nos éleveurs) pour discuter avec eux à bâtons rompus pour nous imprégner de leurs difficultés au Nigéria. Ils nous ont tout expliqué et édifiés.

Nous sommes donc revenus ensuite à Katsina avec nos autorités pour voir dans quelle mesure trouver des solutions à ces difficultés qui reviennent chaque année. Nous avons à ce moment rencontré nos autorités pour leur demander d’institutionnaliser quelque chose, qui va prendre en compte certains grands principes de la transhumance sans rentrer en contradiction avec les textes de la CEDEAO.

Nous avons par la suite mis en place de petits Comités à Maradi et à Katsina pour réfléchir sur le contenu de l’Accord bilatéral. Nous avons grâce à ces Comités fait des propositions au Gouvernement et nous nous sommes tournés vers le PRAPS qui est notre partenaire stratégique. Le PRAPS s’est donc proposé de nous soutenir techniquement dans la formulation de l’Accord bilatéral avec le Nigéria et dans la signature de cet accord.

Le PRAPS s’est investi techniquement et financièrement dans ce processus avec nous. Nous avons présenté le premier draft de l’accord au Gouvernorat de Maradi et de Katsina. Le Gouvernorat de Maradi a envoyé les premières moutures au Ministère des affaires étrangères  et de l’intérieur du Niger pour avis. Celui de Katsina l’a envoyé au Gouvernement fédéral du Nigéria pour avis. Nous avons reçu des avis favorables de part et d’autre et c’est ainsi que nous sommes passées à la signature des accords. Le PRAPS a financé l’atelier de signature de cet accord inédit, les Gouvernorats de Maradi et de Katsina tout comme les autorités au plus haut niveau des deux pays étaient représentées. Comme nous connaissons le sort qui est souvent réservé aux accords, nous avons pris les dispositions pour rendre effective la mise en œuvre de cet accord en proposant un plan stratégique, un plan d’action,  un plan de communication et un règlement intérieur. Vous savez l’accord en amont est inclusif, nous avons travaillé de sorte qu’aujourd’hui nous ayons un Conseil des Gouverneurs qui se réunissent, nous leur transmettons les documents que nous produisons pour recueillir leur avis, c’est fondamental.

 En dessous des Gouverneurs, nous avons le Comité technique mixte composé des organisations pastorales, des chefferies traditionnelles, des chefs de services régionaux des deux pays.  Le Comité technique compte 26 membres, soit 13 par pays. Je suis d’ailleurs vice-président au titre des organisations pastorales dans ce Comité. A partir du comité, nous avons défini des groupes thématiques à savoir : Commerce transfrontalier, Gestion des ressources naturelles, Vols de bétail, sécurité transfrontalière, commerce transfrontalier, activités culturelles transfrontalières. Les groupes thématiques représentent le bras opérationnel de l’Accord. Ils travaillent sous l’autorité du Comté technique, qui lui travaille sous l’autorité du Conseil des Gouverneurs. Nous avons élaboré un plan de travail triennal validé par le Conseil de Gouverneurs et nous avons réalisé une table ronde avec nos partenaires à Maradi. Nous avons reçu des appuis qui nous ont permis de mettre en œuvre certaines activités. Le Gouverneur de Katsina s’est engagé à donner une grande contribution mais malheureusement pour diverses raisons, la contribue ne nous ait pas encore parvenue ; nous espérons toujours.

Quels sont les acquis de l’Accord Bilatéral?

L’Accord bilatéral est un francs succès, pour tous les pasteurs, tous les acteurs de la transhumance, nous demandons au PRAPS de bien vouloir institutionnaliser un accompagnement annuel.

Grâce à l’Accord Bilatéral, nous avons des acquis extrêmement importants. Le premier c’est le retour des animaux volés, les autorités de Katsina nous ont retournés plus de 3000 têtes de bétail volés au Niger. Le Niger à son tour a fait retourner plus de 1800 têtes de bétail volés au Nigéria et acheminées frauduleusement au Niger.

Des pasteurs étaient enfermés dans les prisons au Nigéria mais nous les avons ramenés. Grâce à l’Accord les pasteurs nigériens vont au Nigéria et il n’y a plus de conflit. Sans l’accord ils seraient tués.

Le Gouvernement de Katsina nous a même félicités pour notre contribution dans la réduction des conflits et nous a offert un véhicule neuf et des ordinateurs pour nous soutenir.

Par rapport aux zones de replis, l’Accord fait obligation aux partenaires de Katsina d’identifier des zones de replis aux pasteurs nigériens en cas de soudures difficiles. Et je puis le dire, ils l’ont fait jusqu’à ce que l’insécurité ne vienne tout bouleversé. Toutes ces zones aujourd’hui sont inaccessibles même pour les éleveurs du Nigéria.

Les éleveurs aujourd’hui sont disposés à apporter leur contribution financière pour la mise en œuvre des activités. Même sur fonds propre nous faisons des efforts pour valoriser l’Accord. C’est un acquis. L’accord sert de base politique pour gérer la transhumance. On a un code pastoral au Niger mais qui le connait au Nigéria ? Personne, ça n’engage pas le Nigéria. Nous sommes convaincus que les textes au niveau national ne peuvent pas gérer la transhumance.

L’Accord est mieux connu et il reste un outil précieux pour nous que nous allons laisser à la génération prochaine qui aura le devoir de l’amplifier.

Quels sont les grands défis liés à l’Accord Bilatéral?

Aujourd’hui le plus grand défi qui s’impose à nous c’est l’insécurité, elle défie hélas notre Accord qui avait de beaux jours devant lui.

L’Accord bilatéral a donné une belle image au Nigéria et de bons échos. Les Gouverneurs de trois Etats à Savoir Katsina, Zanfara et  Sokoto ont initié une rencontre de 48 heures avec leur homologue de Maradi. La rencontre a eu lieu à Maradi et avait pour but de capitaliser les acquis de l’accord bilatéral. Ils ont pris l’engagement, et c’est bien précisé dans le communiqué final qu’ils vont adhérer à l’Accord bilatéral Katsina-Maradi. Cet engagement reste d’importance capitale quoi fragilisé par le climat d’insécurité.

A cela s’ajoute le financement durable des activités du Plan d’action. Nous remercions la Coopération suisse qui nous accompagne également et lançons un vibrant appel aux acteurs du développement.

Quels sont vos recommandations ou appels ?

Il est souhaitable de travailler à réveiller cet élan d’élargissement de l’Accord pour une transhumance transfrontalière apaisée à d’autres Etats du Nigéria.

A l’endroit de nos partenaires techniques et financiers, particulièrement le PRAPS, ce dernier ne doit pas abandonner son bébé (l’Accord). Le projet doit à notre avis institutionnaliser l’accompagnement de l’Accord et apporter des appuis annuels pour son fonctionnement, appuis financier ou technique, tout ce qui est possible pour réaliser les attentes des acteurs. Il est vrai,  nous avons pu avoir d’autres partenaires qui nous soutiennent selon leurs moyens mais nous exhortons vivement le PRAPS à nourrir cette flamme dont il est le géniteur.

L’accord bilatéral serait déjà mort si les organisations professionnelles n’avaient pas consenti des sacrifices. Le portage politique est assuré par ces organisations qui sont plus durables. Nous avons d’autres partenaires aujourd’hui qui sont engagés avec nous pour faire prospérer l’Accord bilatéral.

Aujourd’hui les éleveurs pasteurs sont-ils respectés comme les autres citoyens ?

Ah oui, bien sûr c’est d’ailleurs notre vision, au Niger ils sont respectés comme les autres citoyens, les textes sont très clairs en termes d’accès aux services, droit à la citoyenneté.

Au Bénin, nous avons une faiblesse, il n’y a pas une organisation pastorale qui peut vraiment influencer le gouvernement en valorisant la transhumance c’est pour cela on est arrivé à cette décision que nous regrettons sur la transhumance nationale et internationale.

Il y a une étude qui a été diligentée autour de la décentralisation pour montrer l’importance de l’élevage et de la transhumance dans les sources de revenus des collectivités .  Il ressort que 85% des ressources des collectivités décentralisées provient de l’élevage. Il est clair que la transhumance est un bien public chez nous, mais le Bénin a choisi une option difficile à cause du manque d’information.

Notre vision est qu’ils soient respectés comme tout citoyen que leur contribution à l’économie nationale soit reconnue et que leur activité soit sécurisée. Vous convenez avec moi que la sécurité de l’activité pastoral est un grand défi pour le Niger et pour tout le sahel.

Aujourd’hui vous êtes les pionniers en matière d’Accord Bilatéral pour une transhumance transfrontalière, qu’est-ce cela vous inspire ?

Même le Nigéria s’inspire de notre exemple, le Président BUHARI a réuni tous les Gouverneurs de la région du nord du pays pour les inciter à suivre l’exemple de l’Etat de Katsina.

Nous proposons à ceux qui veulent s’inspirer de notre modèle de processus d’élaboration des Accords, qu’ils passent par l’inclusion des acteurs, les groupes thématiques et autres.

Nous sommes prêts à partager notre riche expérience avec tous les pays membres du PRAPS, nous sommes disponibles et ce sera un plaisir. Ce qu’il faut retenir et c’est fondamental pour rendre durable les choses notre expérience doit être dupliquée dans d’autres régions, il faut que ce soient les organisations pastorales qui portent l’initiative sinon ça ne marchera pas. Les OP ne doivent pas être considérées comme des bénéficiaires mais plutôt comme des acteurs.




18-20 février 2019 les Journalistes échangent à Lomé sur la transhumance, la mobilité et le commerce de bétail en Afrique de l’Ouest

L’Unité Régionale de Coordination du PRAPS-CILSS organise en partenariat avec Acting For Life (AFL) à Lomé au Togo du 18-20 février 2019 un Atelier d’information et de sensibilisation des journalistes sur la mobilité et le commerce du bétail en Afrique de l’Ouest. 

Durant 72 heures une quinzaine de journalistes  de la télé, de la presse écrite et web media et de la radio, venus des pays sahéliens: Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal et Tchad et des pays côtiers: Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana, Nigéria et Togo échangeront  autour des enjeux et défis du pastoralisme et les problématiques liées à la transhumance et au commerce du bétail. En ateliers, ils identifieront des sujets de reportages et élaboreront des productions thématiques en lien avec le thème de l’atelier. Egalement, les stagiaires de l’atelier effectueront des visites de terrain pour collecter des informations auprès des acteurs de la filière.

La cérémonie d’ouverture de l’atelier a été présidée par le Secrétaire Permanent du Comité National du CILSS (SP-CONACILSS) au Togo, EWAROU Kpatcha, en présence du Responsable des Programmes  Afrique, M. Arnaud François, représentant Acting For Life. Le SP-CONACILSS a rappelé que le présent atelier faisait suite à un premier atelier organisé en avril 2018 à Ouagadougou par le CILSS et poursuit  les mêmes objectifs. Il s’agit d’une part de contribuer à mieux  faire connaître  le pastoralisme et  à  accompagner  les journalistes pour une amélioration du traitement des informations et leur meilleure diffusion, et d’autre part, à renforcer leur contribution pour une meilleure valorisation de ce mode de production animale et sa contribution au développement dans toute la sous-région, aussi bien dans les pays sahéliens que côtiers. Il a invité les journalistes à jouer leur partition dans la diffusion d’informations constructives, de bonnes pratiques, pour susciter une action, l’adoption de comportements positifs en faveur de la consolidation de la cohésion sociale et du développement économique.

Son ardent souhait exprimé est qu’à l’issue de l’atelier, les journalistes sortent outillés avec des connaissances qui faciliteront leurs débats,  reportages, dossiers,  analyses, en somme pour un travail  de qualité au quotidien.

 Au programme de la 1ère journée, les journalistes stagiaires ont partagé leurs visions et perceptions du pastoralisme avant de se voir dressés le portrait de la filière. Il en ressort que la transhumance répond essentiellement à quatre (4) catégories de causes: i).  la production, ii). les raisons sécuritaires, iii). les raisons économiques  et iv). les politiques de développement des Etats.

 Par ailleurs, il a été souligné au cours des échanges que la transhumance ne se réduit à celle développée entre les pays sahéliens et les pays côtiers; elle concerne également les flux de transhumance interne à un pays et la transhumance entre pays côtiers pour diverses raisons dont la commercialisation. la transhumance se vit entre un point d’attache et un autre d’accueil.

Concernant le portrait de la filière bétail, plusieurs constats ont été établis. Il s’agit entre autres de:

  • la commercialisation du bétail se fait sur de longues distances 
  • la viande consommée dans les pays côtiers ne provient pas uniquement des pays sahéliens; les pays côtiers deviennent de grands pays d’élevage 
  • la filière bétail est dynamique; elle s’adapte à son environnement 
  • la commercialisation du bétail repose sur  un réseau de marchés de bétail dispersé dans l’espace 
  • le niveau d’équipement et le mode de fonctionnement des marchés à bétail peuvent varier selon l’endroit 
  • la commercialisation du bétail repose sur une multitude d’acteurs qui une joue chacun un rôle important 
  • la commercialisation du bétail repose sur des risquent qui tendent à augmenter  à chaque étape de la filière 
  • la santé animale est à considérer dans la commercialisation ainsi que la qualité des médicaments 
  • les communes, les acteurs étatiques et la société civile jouent un rôle déterminant pour la fonctionnalité de la filière. 

Au cours de l’atelier, un cadre de partenariat et d’échanges à travers une plateforme des journalistes sera mis en place pour alimenter les débats et contribuer à renforcer les connaissances sur la mobilité et le commerce de bétail.

L’atelier  de Lomé s’inscrit dans le cadre d’une série d’évènements de plaidoyer et de sensibilisation co-organisés avec le partenaire AFL à Lomé. Il s’agit d’une Conférence sur « les enjeux  de la mobilité et du Commerce de bétail en Afrique de l’Ouest »,  qui se tiendra le 19 février 2019 et d’un Vernissage sur la même thématique  le 20 février 2019.